Depuis six ans, le nombre de formations viticoles se multiplie pour répondre au manque de bras dans les métiers du vin. Mais le besoin demeure important.
Le 7 décembre dernier, dans une salle du lycée agricole de Chinon, treize élèves pas comme les autres faisaient leur rentrée des classes. Depuis 2018, le Centre formation agricole d’apprentis (CFA) propose, en partenariat avec le lycée Cugnot, un certificat de qualification professionnelle (CQP).
Créée il y a deux ans pour répondre à un manque de main-d’œuvre qualifiée, cette formation fait figure d’apprentissage phare, avec la taille de vigne, dans le milieu de la viticulture. Une douzaine de stagiaires sont ainsi triés sur le volet chaque année et voient leur session de formation, qui s’écoule de décembre à juin, financée par la Région. « Nous avons été cette année très attentif à la qualité du recrutement et avons pris notre temps afin de sélectionner les personnes les plus motivées et volontaires », explique Xavier Binet, responsable du CFA de Chinon.
« L’idée est que je ne vous vois plus, si ce n’est dans les vignes » Pour se faire, ce dernier collabore avec Pôle emploi, mais fait aussi appel à l’œil des viticulteurs pour repérer de potentiels apprentis lors des vendanges. Résultat : « Sur les douze stagiaires qui sont passés par le CQP l’an dernier, entre huit et dix ont intégré le monde professionnel aujourd’hui », précise Xavier Binet.
« L’idée est que je ne vous vois plus, si ce n’est dans les vignes », lâchait avec un sourire Stéphane Ducrocq aux futurs ouvriers viticoles lors de la rentrée. Le directeur de l’agence Pôle emploi chinonaise l’assure : « 70 % des gens trouvent un travail après une formation à Chinon. » Dans le milieu viticole plus qu’ailleurs.
Car Xavier Binet le constate : avec 42 élèves au CFA dont seulement une dizaine en CAP viticulture, celui-ci a toujours plus de maîtres d’apprentissage que d’apprentis. « L’apprentissage a encore et toujours une image négative auprès des familles », tente de justifier Xavier Binet, tout en appelant « la profession à mettre en avant le métier de la viti », orphelin de toute forme d’apprentissage jusqu’en 2014 sur le secteur.
« Depuis quelques années, il était devenu de plus en plus difficile de recruter car, comme beaucoup d’autres professions, notre métier se complexifie et se professionnalise. Il y a donc une demande différente de ces vingt dernières années, analyse Fabrice Gasnier, président du syndicat des vins de l’appellation, pour qui cette formation tombe à point nommé. Elle est indispensable pour nous. Jusque-là, on prenait de la main-d’œuvre étrangère pour compenser ce manque de main-d’œuvre locale. Un bon ouvrier viticole trouvera de l’emploi sur le Chinonais, c’est sûr. »
Car, malgré la multiplication des formations et des ouvriers diplômés, le nombre d’annonces ne désemplit pas chez Pôle emploi. « Les besoins des viticulteurs sont tellement importants, souffle Stéphane Ducrocq. Des formations comme le CQP, il en faudrait trois par an pour pallier ce manque. »
« Il y aura des flambeaux à reprendre »
« La crise sanitaire a conforté la prise de conscience qu’a eue la profession il y a quelques années, constate Xavier Binet avant de s’interroger. On va avoir beaucoup d’entreprises à vendre dans les années à venir, qui va les reprendre derrière ? Comment on va faire ? Les vendre aux travailleurs étrangers à qui l’on fait appel ou à la main-d’œuvre locale que l’on tâche de former ? »
« Nous ce que l’on souhaite, c’est de faire travailler le plus possible des locaux, ça permet aussi de faire tourner l’économie locale, poursuit Fabrice Gasnier. C’est un effet domino ! On aimerait être pépinière de jeunes vignerons. Il y aura des départs en retraite dans les prochains mois, c’est sûr, et donc des flambeaux à reprendre. »